mercredi 30 janvier 2013

Anton le retour

Quel plaisir de retrouver Anton, ce petit garçon affublé d'un grand chapeau, création de Ole Könnecke, auteur allemand qui a grandi en Suède. Et on sent la touche suédoise... Déjà auteur de plusieurs albums ayant comme héros Anton, Ole Könnecke a aussi mis ses talents d'illustrateur au service d'autres textes, il a notamment mis en images l'album "Mon papa a peur des étrangers" paru à la Joie de lire en 2004, qui dénonçait avec force le racisme ordinaire. Dans "Anton et les rabat-joie", notre petit héros part à la rencontre de ses amis, son chariot rempli de gâteaux et de jus de pomme, et il espère bien les séduire avec ça, mais pas de chance, ils sont en plein travail, pas le temps pour un goûter, il faut ratisser, bêcher, biner, et Anton n'a pas de pelle, il se voit donc exclu du jeu... Mécontent, il s'en va, et il s'allonge pas terre, Anton est mort, ou plutôt, il joue à être mort.. l'histoire avançant, tous les enfants vont se retrouver couchés part terre à jouer à être mort, jusqu'à ce que des fourmis chatouilleuses viennent les déloger.. Un album savoureux qui décrit avec une incroyable justesse, les jeux et les émotions des petits.Ole Könnecke ose introduire la mort au milieu de ces jeux, sans que ça ait la moindre connotation tragique. Le dessin assez simple, le décor minimaliste, la répétition de quelques traits suffisent à exprimer les différents sentiments éprouvés par nos jeunes héros. Il y a un côté Peanuts à la fois dans le trait simple et juste d'Ole Könnecke et dans le ton faussement naïf des dialogues. Anton aura réussi à nous séduire une fois de plus... Bravo Anton! "Anton et les rabat-joie", Ole Könnecke, Ecole des loisirs, 12,20 euros

mercredi 23 janvier 2013

Pleins feux sur Eric Lambé

Depuis une vingtaine d'années, Eric Lambé accomplit un travail remarquable. Dès ses débuts dans Pelure Amère, dans les premiers Frigo production, chez Amok, son dessin élégant, son propos délicat se distinguait avec aisance. Auteur peu prolixe, tout les deux trois ans, un livre faisait surface. Et c'était toujours l'occasion de se réjouir les sens, de passer dans un univers et une ambiance graphique tout en retenue et en subtilité (l'admirable Alberto G., par exemple). Par petites touches le profil de l'auteur se dressait, un profil exigeant, intègre. La Pluie chez Casterman, Le Voyage chez Futuropolis, rares incursions dans le domaine des éditeurs classiques, démontraient une capacité à intégrer des ressorts fictionnels plus classique, toujours servi par un dessin de toute beauté. Cette année 2012, une nouvelle parution: Le Fils du Roi, chez FRMK. Une technique jusqu'alors inédite, la facture vertigineuse de la pointe bic sur le papier. Tout en restant d'une superbe sobriété, les traits indicibles, le grattage de surfaces, l'énergie exprimée par la pointe sur le blanc du papier donne à son travail une dimension nouvelle. Entrelacs tracés dominé par l'idée de l'image, de la page, de la vision. Gestes qui affrontent la surface, qui grésillent sur le blanc.Noir,bleu et blanc, stries fortes. Et surtout, les images apparaissent. Un labyrinthe d'images, parfois ésotériques, parfois claires, qui se succèdent dans un songe de récits, de chausse-trappes et d'impasses. Et transversalement, un fluide, un flux et une lumière qui se dévident au goutte à goutte. FRMK, bien sûr, était l'éditeur idéal pour ce voyage dans la matière et le sens. Le soin pointilleux de l'impression ( photogravure minutieuse, choix de deux encres bleues et deux encres noires pour rendre la finesse du trait, papier mat pour atténuer la brillance du bic, grammage parfait) autant que le souci du format, le cartonnage de la couverture et la frugalité de la reliure achève de faire de ce livre un album marquant, voire prépondérant, dans le parcours d'Eric Lambé. Nous avons d'ailleurs appris avec grand plaisir que ce livre était lauréat du prix Fernand Baudin, qui récompense les plus beaux livres à Bruxelles et en Wallonie. Un honneur mérité pour un livre remarquable, et un auteur majeur de la scène graphique belge. Christophe Poot, libraire